Recherche Les scientifiques préparent les animaux de demain
Les généticiens du monde entier se sont retrouvés pour partager leurs résultats. Au menu, la connaissance du génome, les nouveaux index ou encore les adaptations au réchauffement climatique.
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Le congrès mondial de la génétique animale se tient tous les quatre ans et rassemble des centaines de scientifiques. Ils échangent sur leurs travaux et sur leurs résultats. Les spécialistes français y participent. En octobre 2022, ils ont présenté le contenu du dernier congrès qui s’est tenu à Rotterdam en juillet 2022. Son thème : préparer les générations futures d’animaux d’élevage plus durables.
La sélection constitue un outil pour répondre aux enjeux environnementaux et sociétaux. Les ressources de la planète sont limitées mais la population humaine augmente tandis que le climat change. Il faut donc utiliser les ressources de manière plus efficiente tout en réduisant l’empreinte environnementale de l’élevage. La science prend sa part dans cette évolution.
Décrypter le génome
Le décryptage du génome est un préalable à l’amélioration génétique. Car, si l’essentiel de ce génome est commun à toute l’espèce (pangénome), le reste est propre à un individu ou à un groupe. La recherche travaille pour identifier ces régions particulières qui peuvent présenter un intérêt en sélection car elles sont à l’origine des différences entre individus. Ces différences peuvent être structurelles ou issues de modifications épigénétiques, c’est-à-dire provoquées par l’environnement. Source de variabilité génétique, elles génèrent parfois des anomalies et ont des effets sur les caractères.
L’objectif des chercheurs est double : identifier les variants qui modifient l’expression des gènes et mettre au point des outils d’épigénotypage. À terme, l’enjeu est de comprendre plus finement l’héritabilité des caractères afin de mieux identifier les mutations et les anomalies génétiques, mais aussi d’élaborer de nouveaux index.
Identifier les anomalies génétiques et les mutations
Les races bovines laitières sont consanguines et on estime que dix ancêtres sont à l’origine de la moitié de leur patrimoine génétique. Ceci favorise l’émergence d’anomalies récessives ou dominantes. Le testage sur descendance a longtemps permis de détecter les anomalies dominantes avant leur diffusion. Ce filtre n’existe plus et l’on voit chaque année deux ou trois taureaux porteurs de ce type d’anomalies. D’où la création de l’Observatoire national des anomalies bovines (Onab), qui recherche l’origine des anomalies en génotypant les animaux concernés (1).
Cependant, les déclarations ne sont pas assez nombreuses pour les identifier toutes. Les mortalités embryonnaires ou les anomalies sans symptômes spécifiques passent à côté. Or il est avéré que les défauts génétiques non encore détectés sont à l’origine de nombreuses difficultés en élevage : mortalité des veaux, retards de croissance, déficit immunitaire, production insuffisante, etc. Des stratégies alternatives sont donc nécessaires.
Ainsi, l’étude comparative de la mortalité des veaux issus de différents géniteurs a montré que certains s’écartent d’une distribution considérée comme normale. On peut donc suspecter une anomalie. L’analyse du génome de ces taureaux extrêmes a permis de la détecter.
Une autre étude a cherché à identifier des anomalies chromosomiques chez des taureaux et leurs descendants. Elle a montré que ces phénomènes ne sont pas rares et peuvent pénaliser notamment la fertilité et la survie des veaux. Un caryotypage (cartographie des chromosomes) systématique des taureaux avant leur mise en service est conseillé pour éviter ces problèmes qui se révèlent coûteux en élevage.
Sélectionner de nouveaux caractères
La santé des animaux, l’efficacité alimentaire et la résistance au stress thermique se trouvent au cœur des travaux sur la recherche de nouveaux caractères. La réduction des émissions des gaz à effet de serre de l’élevage bovin constitue un autre axe d’investigation. Il s’agit à la fois de les mesurer et de chercher des corrélations génétiques avec les caractères de production ou d’efficacité alimentaire. Le lien entre le microbiote et les émissions est également exploré. Il s’agit des premiers résultats sur ces thématiques. Il faudra encore du temps pour bien les comprendre. L’expression des émissions fait l’objet de nombreux questionnements. Faut-il parler d’émissions par animal, par tonne de lait ? Ce choix est lourd d’enjeux pour les orientations de sélection futures.
Améliorer la tolérance à la chaleur
Les températures élevées pénalisent le bien-être, la production, la reproduction et la santé des bovins. D’où l’intérêt d’identifier les animaux les plus tolérants à la chaleur. Une étude a été menée sur des vaches montbéliardes pour évaluer l’impact du stress thermique.
Les données de production (lait, taux, cellules) proviennent du contrôle de performances. Les informations météorologiques ont été fournies par Météo France et ont permis de calculer l’indice température humidité (THI) le jour du contrôle et les deux jours précédents. L’étude a concerné 55 000 vaches et 450 000 contrôles.
Il s’avère que sur les caractères étudiés, la chaleur a nettement plus d’impact que le froid. En moyenne, le THI optimum se situe autour de 55 (12-13 °C). Selon les caractères, la baisse de performances va de 5 à 14 % pour un THI à 70 traduisant un stress thermique.
Un modèle génétique a été construit pour voir comment varie la valeur génétique des taureaux en fonction du THI. On constate que toutes les familles voient leur production diminuer avec la chaleur. Cependant, pour les valeurs de THI élevées, un reclassement s’opère. Certains taureaux remontent quand d’autres chutent. Il semble donc que certains soient plus résistants au stress.
On voit aussi que les taureaux qui ont les valeurs génétiques de production (lait et taux) les plus élevées à THI 50, valeur moyenne normale dans laquelle ils ont été sélectionnés, sont ceux qui baissent le plus en cas de stress thermique. Il en est de même pour les cellules avec des familles sensibles qui le sont encore plus avec la chaleur. Ces observations ouvrent des perspectives de sélection.
Cependant, des questions se posent quant à la biologie des animaux. Ceux qui produisent beaucoup mangent également beaucoup. Or les fermentations ruminales dégagent de la chaleur. La baisse d’ingestion, qui entraîne celle de la production, pourrait être une adaptation de l’animal aux fortes températures. Cela permet peut-être de préserver d’autres fonctions biologiques.
Des travaux similaires conduits en holstein et normande aboutissent à des résultats comparables. Sur ce type de problématiques, il pourrait être utile d’accroître la collaboration avec les pays tropicaux investis dans l’élevage laitier.
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